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🕓 Temps de lecture : 10 minutes
Ecrit par Sawsane le 26 octobre 2020
Girl power, inclusivité et marketing savamment orchestré, depuis quelques années, les collections proposées par Rihanna et ses consœurs issues du star-system connaissent un succès retentissant.
Nul doute : la mode est elle aussi affaire de féminisme. Sur le papier du moins.
En 2016 sortait Lemonade, sixième album studio de la chanteuse Beyoncé. Et avec, une collection de sportswear en collaboration avec la marque Topshop, “Ivy Park”.
La démarche affichée est claire : permettre aux femmes de s’affirmer par la pratique du sport.
Ivy Park, une marque qui prône l'empowerment, vraiment ?
Risible cependant, quand peu de temps après le lancement, des sources révèlent les sinistres dessous de l'atelier de confection. Ceux d'une usine où des ouvrières sri lankaises produisent dans des conditions sordides, au rythme de 60h hebdomadaires pour 55 centimes de l’heure à peine.
S'agissant d'une collection qui comprenait à l’époque, pas moins de 228 pièces. Dont certaines dépassaient la centaine d’euros.
Quand l’émancipation des unes… passe par l’exploitation des autres.
La chanteuse a depuis cessé toute collaboration avec le groupe Arcadia, propriétaire de Topshop.
Seulement l’exploitation des femmes par l’industrie de la mode ne date pas d'hier.
La fast-fashion fonctionne sur un modèle commercial qui en cherchant à maximiser sa production à des prix toujours plus bas, a favorisé les bas salaires et les conditions de travail dangereuses.
Et les premières à en souffrir sont des femmes. Qui sont des actrices essentielles, de la production à la consommation.
Selon la Clean Clothes Campaign, 70 à 80% des salarié.e.s du textile dans le monde sont des femmes. Des proportions qui atteignent les 85% au Bangladesh et 90% au Cambodge.
Quand 80% des salarié.e.s sont des femmes mais que l'on continue à dire travailleurs, au masculin | © Fashion Revolution
Pour la plupart très jeunes : entre 18 et 24 ans. Là où, l’écrasante majorité des directeurs d’usines de confection et des PDG de sociétés donneuses d’ordre sont des hommes bien plus âgés.
Ou comment l’industrie textile profite de la vulnérabilité de jeunes femmes issues de pays en développement.
Au Bangladesh les jeunes femmes sont directement ciblées car on les suppose plus énergiques, flexibles et moins au fait du système.
Mais comment expliquer de tels chiffres ? Pourquoi les jeunes femmes sont-elles sur-représentées à la production ? Plusieurs choses.
Si la fast-fashion a décidé d’investir les pays en voie de développement, c’est parce qu’elle se sait en mesure d’y bénéficier de tarifs attractifs.
Dans les usines de confection, les travaux relèvent souvent de compétences liées à la sphère domestique – comme la couture. Des tâches qui, au Bangladesh comme ailleurs, échoient majoritairement aux femmes.
La couture, une compétence valorisable et pourtant discréditée dans l'industrie de la fast-fashion | © Adobe Stock
Aussi beaucoup envisagent le travail des ouvrières comme l’extension de leurs corvées ménagères : quelque chose qu’elles sauraient faire naturellement, qui ne relèverait pas d’un véritable travail méritant rémunération.
Au Bangladesh les jeunes femmes sont directement ciblées car supposées plus énergiques, flexibles et moins au fait du système. Donc moins enclines à s’engager auprès d’un syndicat.
D'autant plus si elles ont une famille. Quelque soit leurs conditions de travail, elles auront plus de mal à renoncer à un emploi qui les fassent vivre elles et leurs proches.
Pourtant lorsqu’elles rejoignent des usines, les ouvrières espèrent pouvoir bénéficier d’un salaire et de conditions de travail décentes. Accédant, in fine, à une certaine forme d’autonomisation.
#WhoMadeMyClothes est une campagne lancée par la Fashion Revolution pour donner un visage aux ouvrières derrière nos vêtements | © Fashion Revolution
Souvent, l’industrie du textile apparaît comme l'option la plus souhaitable. Au Bangladesh, en 2013, le secteur de l’agriculture qui employait les ⅔ de la population dégageait à peine 18% du PIB.
Les ouvrières du textile Bangladaises perçoivent donc dans les faits un salaire légèrement supérieur au salaire agricole.
Selon Remake, la majorité des travailleuses du textile perçoivent 3$ par jour ou moins. Au Bangladesh, le salaire minimum atteint les 62€. Loin bien loin du salaire vital préconisé par l’AFW de 342€.
Au Cambodge, le salaire minimum se hisse à 145€. En Chine le salaire est environ de 230€.
A noter que le pouvoir d'achat ainsi que le coût de la vie varient d'un pays à l'autre. Les salaires donnés à titre indicatif n'ont pas vocation à être comparés.
Le salaire en vigueur dans le secteur textile Chinois ne représente que 20% du salaire national moyen.
Un ouvrier en manufacture classique gagne ainsi deux fois plus qu’une travailleuse du textile selon une étude de 2014.
Il faudrait à peine 4 jours aux grands PDG de la mode, essentiellement des hommes, pour toucher ce qu'une travailleuse Bangladaise gagnera au cours de sa vie.
Rapport de l'OXFAM, 2018
Des salaires si bas qu’ils ne peuvent couvrir les besoins de base des travailleuses.
Sans compter les discriminations liées au genre. Un rapport de l’OIT montre que la différence nette des salaires entre hommes et femmes dans l’industrie du textile reste prégnante en Asie. Notamment au Pakistan et en Inde où celle-ci s’élève respectivement à 64,5% et 34,6%.
Il faudrait à peine 4 jours aux grands PDG de la mode, essentiellement des hommes, pour toucher ce qu'une travailleuse Bangladaise gagnera au cours de sa vie.
Quand en France, l'écart salarial s'élève à environ 24% , il atteint 64,5% au Pakistan pour les ouvrier.e.s du textile | © Adobe Stock
Pour Madeleine Guilbert sociologue, le mécanisme consistant à payer les femmes une misère s'avère être un levier efficace pour déprécier les salaires de leurs collègues masculins.
Des femmes moins payées que les hommes pour un travail similaire, qui deviennent par la même, une main d'œuvre "concurrente".
Une logique sexiste qui a pour conséquence de niveler l'ensemble des salaires (hommes comme femmes) vers le bas.
La rémunération des travailleuses proposée par la fast-fashion influence le niveau global de revenus des pays émergents. Une façon de les maintenir dans la pauvreté.
Les travailleuses du textile sont fréquemment victimes d’abus. Leurs conditions de travail tutoient l’esclavagisme.
En s’intéressant de plus près à leurs horaires de travail, il n’est pas rare de constater des semaines de travail avoisinant les 60h, parfois bien plus.
Selon le Garment Worker Diaries, au Cambodge la majorité des ouvrières du textile travaillent ainsi plus de 48h par semaine, seuil maximal figurant pourtant parmi les conventions fondamentales de l'OIT.
A Guandong en Chine, les jeunes femmes doivent effectuer jusqu'à 150h de travail supplémentaires chaque mois. | © Fashion Revolution
La faute aux heures supplémentaires devenues légion. Souvent peu ou pas rémunérées.
Quid des pauses et jours de congés ? Négligés. Parfois même motif de licenciement.
En témoigne le décès de Taslima Aktar, jeune Bangladaise de 23 ans, le 13 octobre 2013. Malade depuis plusieurs semaines, son contremaître lui refusait systématiquement ses demandes de congés. Avant qu’elle n’en succombe.
D’après des témoignages, l’usine dans laquelle elle officiait n’autorisait les congés qu’à la condition de justifier d’une grave maladie. Une absence de plus d’une journée se voyait sanctionnée d’un renvoi.
La discrimination qui vise les femmes enceintes arrivent partout. Mais elle est d'autant plus visible au sein des usines de confection | © WavebreakMediaMicro / Adobe Stock
Pire : certaines sont licenciées parce qu’enceintes. « Si [une travailleuse enceinte] est perçue comme travaillant «lentement», son contrat ne sera pas renouvelé » selon un entretien rapporté par la Human Rights Watch à Phnom Penh au Cambodge.
Une sécurité d’emploi incertaine, pour des ouvrières qui ne sont pas préparées à l’éventualité de perdre leur travail.
Discrimination, abus verbaux, physiques ou sexuels sont monnaie courante parmi les usines des sous-traitants textile. Ainsi, des chiffres rapportés par les ONG CARE International et Garment Worker Diaries montrent que :
Résumé de l'étude publiée au sein du Garment Worker Diaries | © Fashion Revolution
L'année dernière, l'ONG Workers Rights Consortium (WRC) a publié un rapport édifiant portant sur trois grandes usines de denim de Maseru, la capitale du Lesotho.
Dans les trois usines, les femmes étaient régulièrement contraintes à des relations sexuelles avec leurs superviseurs pour conserver, obtenir un emploi ou une promotion d'emploi.
Puisque les travailleuses se trouvent souvent dans l’incapacité d’adhérer à un syndicat – intimidation, absence de contact avec des responsables syndicaux, elles ne bénéficient d’aucune protection en cas d’harcèlement ou d’agression sexuelle.
« Pas de violence sur nos lieux de travail » | © IndustriALL Global Union
Mais la tendance est au changement : de plus en plus de femmes se mobilisent au sein de syndicats et d'autres mouvements ouvriers pour lutter contre les inégalités et l'exploitation, notamment au Bangladesh, au Cambodge et au Honduras.
Une avancée importante quand on sait combien les ouvrières sont marginalisées et découragées d’agir politiquement.
Un marketing volontairement axé sur l'empowerment mais des entreprises qui peinent à donner le la en matière de lutte contre le sexisme dans les usines.
« Nous aimons votre message féministe mais comment vous assurez vous que vos travailleuses sont également émancipées ? » | © Fashion Revolution
D’après l’IMOA, en 2019 :
Faire pression sur ces entreprises pour permettre une véritable autonomisation des femmes revêt une importance capitale.
D’après Joelle Firzli, historienne de la mode, « la croissance rapide de la fast fashion va de pair avec l’augmentation de la part des femmes dans la population active ».
Entre 1980 et 2010, la part de femmes actives serait ainsi passée de 33,9% à 62,2%. Des femmes désormais en possession d’un revenu qu’elles sont en droit de dépenser comme elles l’entendent. Et une partie de ces revenus revient à la consommation de vêtements.
« La croissance rapide de la fast fashion va de pair avec l’augmentation de la part des femmes dans la population active ».
Joelle Firzly, historienne
Faisant des femmes les principales clientes de la fast-fashion. Aux États-Unis, les femmes représentent ainsi 85% des acheteuses de fast-fashion.
Pour des raisons qui ont à voir notamment avec des conceptions sociales rigides de la féminité. Sommées de suivre les tendances mais aussi de correspondre à une certaine vision de la “femme”, les consommatrices représentent une cible marketing de choix.
Surtout c’est un public voué à s’élargir.
Un rapport de 2015 du McKinsey Global Institute a révélé que les femmes pourraient augmenter le PIB mondial de 26% d'ici 2025 si on atteignait l'égalité salariale.
Il ne s’agit pas seulement de l’augmentation des ressources de consommatrices mais aussi de leurs préoccupations – notamment en matière de féminisme. Une problématique à laquelle un nombre croissant d’acheteuses sont sensibles.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que les grandes marques viennent se positionner sur le créneau.
Des slogans comme «Nous devrions tous être féministes», «Girl Power» et «Future is female» ornent désormais t-shirts, sweatshirts et tote bags.
Qui a fait votre t-shirt féministe ? C'est la première question à se poser quand on achète un produit marketé "féministe" | © Fashion Revolution
Pour autant… votre t-shirt féministe est-il vraiment féministe ? Difficile de répondre par l’affirmative quand ce dernier est issu du dur labeur d’ouvrières sous-payées et malmenées.
« Aucune femme n'est libre tant que toutes ne sont pas libres »
Audre Lorde, essayiste et poétesse Américaine
D’après Mary Creagh, responsable du comité d'audit environnemental du Royaume-Uni il y a une véritable ironie dans le fait que « les femmes vivant dans des pays Occidentaux aient des habitudes d'achat qui alimentent l'exploitation systémique des femmes [au Royaume Uni] et à l'étranger.»
La faute à un manque de transparence criant, savamment entretenu par une industrie aux mains d’hommes malveillants, pour qui l’autonomisation des femmes et des ouvrières représente au mieux, un argument marketing.
D'après Monki « C'est votre corps et c'est votre droit d'en faire ce que vous voulez ». Laisse-t-on vraiment le choix aux travailleuses du textile en la matière ? | © Claire Bonnet
Et là encore de l’espoir. D’après un sondage menée par la Fashion Revolution à propos des habitudes d’achat, 77% des interrogé.e.s jugent important pour les marques de lutter pour l'égalité. Chez les femmes, ce pourcentage s'élève à 81%.
Pour être féministe, pas besoin d’un t-shirt. Mais on peut porter les voix de celles qu’on entend pas et leur permettre de travailler dans des conditions dignes en challengeant leurs employeurs.
Aussi pour Audre Lorde, essayiste et poétesse Américaine « Aucune femme n'est libre tant que toutes ne sont pas libres ». Le féminisme, c’est ça.
Nos sources :
• Is your feminist t-shirt really feminist? (FashRev)Tags : Les enquêtes