đ Temps de lecture : 12 minutes
Ecrit par Victoria Adjanohoun le 16 août 2023
Quand on voit les reportages et les dégùts causés par la mode, on peut se sentir totalement démuni, voire coupable, à la vue de notre armoire qui déborde.
Pourtant, quand on essaye de se tourner vers la mode Ă©thique, câest la panique. Le coton, oui, mais que sâil est bio ? De lâananas en guise de sac Ă main ? Du made in India mais que si câest commerce Ă©quitable ?
Le concept lui-mĂȘme est flou. On entend tour Ă tour parler de mode Ă©co-responsable, slow fashion, mode durable, mode Ă©cologique, mode Ă©quitable, mode responsable ou engagĂ©e⊠Vous avez l'impression de jouer au jeu des 7 diffĂ©rences ?
Promis, on vous donne des rĂ©ponses, mais commençons par lâessentiel : comprendre pourquoi il y a un problĂšme dâĂ©thique dans la mode.
On entend souvent dire que la mode est la 2Ăšme industrie la plus polluante au monde aprĂšs lâindustrie pĂ©troliĂšre, avec 1,2 milliards de tonnes de gaz Ă effet de serre Ă©mises par an. Explications.
Primark, H&M, Zara, Kiabi, Boohoo, Uniqlo, Stradivarius, Bershka... sont des marques quâon connait bien, et quâon frĂ©quente/frĂ©quentait rĂ©guliĂšrement. Leur point commun : renouveler les collections de vĂȘtements en magasin le plus souvent possible, et Ă petit prix. Câest ce quâon appelle la fast-fashion.
L'objectif ? Susciter l'envie chez nous tous d'acheter des vĂȘtements souvent, trop souvent. Et lĂ , les consĂ©quences sâempilent.
La suite logique ? La surconsommation. Accros Ă la nouveautĂ©, on achĂšte 60% de vĂȘtements de plus quâil y a 15 ans, pour les garder 2 fois moins longtemps.
Câest un peu comme si tous les midis, on se servait trop de pĂątes, pour en jeter la moitiĂ©. Sauf que pour les vĂȘtements, ce nâest pas la farine quâon gaspille, mais des milliers de litres dâeau, dâĂ©missions de CO2 liĂ©es au transport, et de produits toxiques.
Bref, la mode éthique c'est avant tout un rythme de production lent (autour de 4 collections par an), qui permet d'éviter la surproduction inutile et le gaspillage.
âBuy less, choose well, make it last"
Vivienne Westwood
Un vĂȘtement 100% polyester est fabriquĂ© Ă partir de pĂ©trole. Difficile de sâimaginer quâon peut fabriquer un vĂȘtement avec du pĂ©trole autant quâavec du coton. Pourtant, on sâimagine bien quâils nâont pas le mĂȘme impact environnemental. Un vĂȘtement Ă impact zĂ©ro nâexiste pas, mais certains polluent plus que dâautres.
Prenons le cas du coton : 25% des insecticides utilisĂ©s dans le monde sont destinĂ©s aux champs de coton, alors quâils ne reprĂ©sentent que 2 Ă 3% des terres cultivĂ©es mondiales.
Un exemple de pollution moins connu : le lavage de nos vĂȘtements largue lâĂ©quivalent de 50 milliards de bouteilles plastiques dans la mer chaque annĂ©e, sous forme de micro-plastiques. En cause ? Les microparticules de plastique qui se dĂ©tachent de nos vĂȘtements synthĂ©tiques (leggings en lycra, blouses en polyester...), fabriquĂ©s Ă partir de pĂ©trole.
Pour limiter les dégùts, les marques de mode éthique font le choix de matiÚres plus écologiques : le coton biologique pour éviter les pesticides, les matiÚres peu consommatrices d'eau comme le tencel ou le lin, les matiÚres recyclées pour réemployer nos déchets au lieu d'en créer de nouveaux.
Ouvrier d'une usine de denim dans la ville de Xintang, surnommée la "Capitale mondiale du jean". En 2010, des niveaux anormalement élevés de métaux lourds hautement polluants ont été relevés dans le fleuve Dong adjacent, d'une couleur bleu-noir inquiétante.
© Lu Guang / Greenpeace
Nos vĂȘtements contiennent un cocktail de produits chimiques toxiques insoupçonnĂ©s, aux noms barbares. Quand on lave un vĂȘtement ou quâil finit en dĂ©charge, ces substances toxiques passent dans les sols, les cours dâeau, et mĂȘme dans la chaĂźne alimentaire pour certains. Mais les dĂ©gĂąts sont dupliquĂ©s Ă proximitĂ© des usines de fabrication, oĂč sont teints les 100 milliards de vĂȘtements produits chaque annĂ©e. Certains cours dâeau en Chine sont jugĂ©s tellement toxiques que tout contact est interdit.
Une Ă©tude intitulĂ©e Les Dessous toxiques de la Mode a Ă©tĂ© menĂ©e en 2011 par Greenpeace sur 20 marques, dont Zara, Nike, Leviâs, Calvin Klein, ou encore C&A. Elle a rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de produits toxiques polluants dans nos vĂȘtements :GrĂące Ă des labels forts comme GOTS ou encore Oeko-Tex, la mode Ă©thique permet d'Ă©viter l'utilisation de ces substances nocives pour fabriquer nos vĂȘtements. On parle donc d'une mode plus Ă©cologique, tout simplement parce qu'elle pollue moins ses environs.
Oui, les vĂȘtements quâon achĂšte dans les chaĂźnes de magasins de fast fashion ne prĂ©sentent pas seulement des dangers pour lâenvironnement, mais aussi pour la santĂ©. La nĂŽtre, et celle des personnes qui les fabriquent, au Bangladesh, en Inde, en Ethiopie...
Ils sont accusĂ©s dâavoir des effets nĂ©gatifs sur le fonctionnement hormonal, la croissance, le mĂ©tabolisme⊠Les enfants y sont particuliĂšrement vulnĂ©rables.
Du cĂŽtĂ© des usines de fabrication, les concentrations de ces produits sont bien supĂ©rieures, et prĂ©sentent un danger immĂ©diat pour les travailleurs : pathologies respiratoires, cancers, rĂ©actions allergiquesâŠEn mode Ă©thique, la santĂ© des ouvriers du textile est protĂ©gĂ©e. Un exemple : le label GOTS interdit l'utilisation de colorants azoĂŻques, phtalates et autres produits toxiques, ainsi que de certains procĂ©dĂ©s nocifs comme le sablage par exemple, utilisĂ© pour dĂ©laver les jeans.
Entre la conception et lâarrivĂ©e en magasin dâun vĂȘtement Zara, il peut se passer moins de 4 semaines. Le rythme infernal de la fast fashion impose une pression aux ateliers, qui prennent des raccourcis sur la santĂ©, la sĂ©curitĂ©, et la dignitĂ© des ouvriers pour tenir les dĂ©lais.
Lâeffondrement dâune usine textile au Bangladesh, le Rana Plaza, a causĂ© la mort de 1135 personnes le 24 Avril 2013. La veille, les responsables d'atelier ont ignorĂ© des consignes d'Ă©vacuation donnĂ©es suite Ă l'apparition de fissures. Des vĂȘtements Mango, Primark, Tex, Ă©taient fabriquĂ©s dans cette usine. Cet Ă©vĂšnement a Ă©tĂ© la triste vitrine mĂ©diatique des conditions de travail des ouvriers du textile dans certains pays, et dĂ©clencheur dâune prise de conscience pour de nombreux consommateurs. Les accidents et incendies restent monnaie courante dans les usines au Bangladesh, au Cambodge, en Inde...Quand on achĂšte un t-shirt, on rĂ©munĂšre beaucoup dâacteurs : lâagriculteur pour la matiĂšre premiĂšre, lâouvrier pour la confection, la marque pour la crĂ©ation, des intermĂ©diaires pour le marketing, le distributeur pour le magasinâŠ
Alors, combien gagne celui qui fabrique mon t-shirt ?
Une Ă©tude menĂ©e en Septembre 2018 nous rĂ©pond :La fast fashion est responsable de pratiques sociales abusives enregistrĂ©es dans de nombreux pays, oĂč les conditions sont bien moins contraignantes quâen Europe.
On considĂšre qu'un vĂȘtement issu de la mode Ă©thique est fabriquĂ© dans le respect des critĂšres sociaux fixĂ©s par l'OIT, parmi lesquels on trouve l'Ă©limination du travail forcĂ©, l'interdiction du travail des enfants, des conditions de travail sĂ»res et hygiĂ©niques, l'assurance d'un salaire minimum lĂ©gal... Certains labels assurent le minimum, comme Fair Wear Foundation, d'autres vont au dĂ©lĂ , comme le label FairTrade par exemple.
On lâa compris, les dessous de nos t-shirts sont moches. Sauf quâon a pas encore prĂ©vu de vivre en tenue dâEve.
Quelles sont les alternatives pour sâhabiller sans culpabiliser ? Est-ce quâil y a des alternatives Ă des prix abordables ? Peut-on vraiment faire confiance aux marques qui se disent âconsciousâ ? Est-ce quâil y a une diffĂ©rence entre la mode Ă©thique et la mode Ă©co-responsable ? Dans cette partie, on va tenter dâapporter des solutions concrĂštes et variĂ©es, pour adopter la mode Ă©thique en toute sĂ©rĂ©nitĂ©.
Oui, la mode est une industrie qui fait des dégùts, et non, le poids de la transition écologique de cette industrie ne repose pas sur nos petites épaules.
Dâabord, ne pas se formaliser sur le vocabulaire. Sâhabiller Ă©co-responsable est une dĂ©marche globale, dont lâessentiel nâest pas de trouver LA solution idĂ©ale Ă impact zĂ©ro, dans une sorte de paranoĂŻa culpabilisante.
Oui, la mode est une industrie qui fait des dĂ©gĂąts, et non, le poids de la transition Ă©cologique de cette industrie ne repose pas sur nos petites Ă©paules. Le plus important, câest de sâinformer, pour faire en sorte que nos achats soutiennent des initiatives quâon juge positives, au meilleur de notre connaissance.
Voici 3 maniĂšres de sâhabiller Ă©co-responsable, avec leurs pour et contre.
âBuy less, choose well, make it lastâ, a dit Vivienne Westwood.
Traduisez : ce qui pollue le plus, câest la surproduction et le gaspillage des vĂȘtements. La solution la plus efficace pour sâhabiller Ă©co-responsable serait donc simplement dâacheter moins de vĂȘtements. Facile Ă direâŠ?
Dâabord, acheter moins, ça veut surtout dire acheter moins souvent des vĂȘtements quâon va garder plus longtemps, ou consommer moins mais mieux.
Vous ne savez pas encore si vous aimez lâimprimĂ© python de la saison ? Vous aimez cette chemise mais vous avez lâimpression que la matiĂšre vous tiendra chaud ? Rien ne presse, prenez le temps de choisir le vĂȘtement dont vous voudrez prendre soin un bon moment.
Ensuite, on peut faire durer nos vĂȘtements plus longtemps avec des astuces simples :
Enfin, lorsquâon tombe en dĂ©samour, on se souvient quâun vĂȘtement nâa pas sa place dans la poubelle Ă ordures mĂ©nagĂšres, quel que soit son Ă©tat. Quand câest possible, on le revend (en dĂ©pĂŽt-vente, sur Vinted, Vestiaire Collective), ou on le donne (Emmaus, Point RelaisâŠ), pour quâil soit recyclĂ©.
POUR : on se rend compte que le Samedi aprĂšs-midi peut servir Ă plein dâautres activitĂ©s que le shopping.
CONTRE : lâhabitude est difficile Ă prendre...
Piquer un vĂȘtement Ă votre soeur qui ne le porte plus, au lieu dâen acheter un neuf, câest dĂ©jĂ sâhabiller Ă©co-responsable.
LâidĂ©e ? Limiter les dĂ©chets, en offrant une seconde vie Ă des vĂȘtements dĂ©jĂ produits au lieu dâen acheter de nouveaux.
De plus en plus de lieux fleurissent dans cette dĂ©marche. En friperies, ou chez EmmaĂŒs, on trouve absolument tout : piĂšces uniques, vintage, basiques de garde-robe... Dans certains dĂ©pĂŽts-vente, on trouve aussi des piĂšces plus modernes, parfois quasi neuves, Ă prix avantageux. LĂ , les t-shirts Ă 5⏠sont Ă leur place.
POUR : mines dâor pour les modeux-ses, on trouve des piĂšces uniques, Ă des prix souvent trĂšs abordables.
CONTRE : quand on cherche un vĂȘtement en particulier, on peut passer beaucoup de temps dans les fripes...
Vous aimez ce t-shirt vu chez Mango ? La mode éthique se donne pour mission de vous proposer un t-shirt éco-responsable pour femme ou un t-shirt éco-responsable pour homme en alternative. Pas moche, donc.
DĂ©couvrir nos vĂȘtements Ă©co-responsables pour femme DĂ©couvrir nos vĂȘtements Ă©co-responsables pour hommeLa sĂ©lection Ă©co-responsable de WeDressFair : vĂȘtements en coton biologique Fairtrade et GOTS, chanvre, sac en cuir Ă tannage vĂ©gĂ©tal, accessoires de seconde main.
© Julien Mayen / WeDressFair
Quâest-ce que la mode Ă©thique ?
Exit les produits chimiques toxiques, les matiĂšres polluantes, les salaires indĂ©cents et les usines qui sâeffondrent. Les marques de mode Ă©thique fabriquent des vĂȘtements bio pour femme et pour homme, naturels et recyclĂ©s, avec le respect des hommes et de lâenvironnement au cĆur de leur dĂ©veloppement.
Par abus de langage, on parle parfois de mode Ă©thique, mode Ă©co-responsable, mode durable, mode responsable pour exprimer la mĂȘme idĂ©e. Tous ces mots rendent parfois la lecture difficile.
Un conseil, si câest flou : ne pas se fier aux dĂ©clarations, et chercher plutĂŽt des preuves de leur vĂ©racitĂ©. On vous aide.
ConcrÚtement, les marques éthiques font des choix de production plus responsables, d'un point de vue social et environnemental :
Par exemple, le label FairTrade (Max Havelaar) assure un salaire Ă©quitable aux producteurs et aux ouvriers. Un vĂȘtement certifiĂ© Oeko-Tex ne contient aucune substance toxique pour lâhomme ou pour lâenvironnement. Un vĂȘtement certifiĂ© GOTS contient au moins 95% de fibres biologiques. Voir les labels de la mode Ă©thique
POUR : Ă part les bĂ©nĂ©fices pour lâenvironnement et les hommes, les marques de mode Ă©thique prouvent aux gĂ©ants du textile quâune production durable est possible.
CONTRE : elle est parfois jugée chÚre, trop compliquée, et difficile à trouver. La mission de WeDressFair est justement de dénicher des marques éthiques pour vous.
Lire l'article 24 marques éthiques pour un dressing responsable !
La mode Ă©thique est une solution en plein dĂ©veloppement pour rĂ©pondre Ă la fast fashion. MĂȘme si elle coĂ»te Ă premiĂšre vue plus cher, la mode responsable sâappuie sur des vĂȘtements durables, tant par les matiĂšres, les coupes, le savoir-faireâŠ
La consommation responsable dans la mode ne passe pas systĂ©matiquement par lâachat de vĂȘtements neufs. Elle sâinsĂšre dans une dĂ©marche globale, pour consommer moins mais mieux.
Le vĂȘtement Ă impact zĂ©ro nâexiste pas, mais marques et consommateurs ont le pouvoir de rendre la mode plus positive.
Quelles sont vos questions sur la mode Ă©thique ? Pensez-vous quâelle puisse ĂȘtre une solution pour demain ? NâhĂ©sitez pas Ă poser vos questions en commentaires, nous y rĂ©pondrons volontiers sous forme dâarticles :)
Tags : Pour commencer
100 milliards de vĂȘtements sont produits chaque annĂ©e dans le monde, dont les Ÿ finissent Ă la poubelle. On parle de "vĂȘtement jetable" : si ce nâest pas leur qualitĂ© qui fait dĂ©faut, câest leur style, âpassĂ© de modeâ au bout de quelques mois seulement.
On parle donc de surproduction. Zara sort aujourdâhui 20 collections par an, contre seulement 4 il y a quelques annĂ©es.