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🕓 Temps de lecture : 11 minutes
Ecrit par Anna le 30 août 2023
À l'heure où un grand nombre de marques se revendiquent comme des marques inclusives, il convient de s'interroger sur ce que recouvre ce terme et sur les enjeux qu'il sous-tend.
La mode inclusive renvoie à la volonté d'une plus grande intégration et d'une représentation plus importante des minorités habituellement oubliées par la mode. Parmi ces minorités, figurent par exemple les personnes racisées, les personnes LGBTQIA+ ou encore les personnes en situation de handicap.
Il s'agira dans cet article de se pencher sur l'inclusion des personnes en surpoids ou obèses dans la mode. Le choix est fait d'employer le terme "grosses", et non "rondes", dans une démarche militante et non-discriminante. Il s'agit de ne pas jouer le jeu de l'industrie, qui se refuse à accepter que les personnes grosses aient leur place dans la mode au même titre que les personnes minces et privilégie l'emploi de termes allusifs comme "rondes".
C'est quoi la grossophobie ?
La grossophobie peut être comprise comme un système de discrimination et d'exclusion mis en place à l'égard des personnes en surpoids ou obèses. Ce système est présent dans de nombreuses sphères de la société comme l'industrie de la mode ou la santé. À titre d'exemple, la grossophobie médicale peut se traduire par l'inexistence d'équipements adaptés à différents corps, allant parfois jusqu'à empêcher l'hospitalisation des personnes en grand surpoids.
La grossophobie dans la mode
Comme l'explique la journaliste et essayiste Mona Chollet, dans son ouvrage Beauté fatale : les nouveaux visages d’une aliénation féminine (La Découverte, 2012), les industries du "complexe mode-beauté", méprisent les femmes grosses, car elles sont obsédées par la minceur. De ce fait, toute critique émise à l'encontre de ce système grossophobe entraîne des réactions épidermiques.
Bien que des progrès aient été observés, les marques ou les magazines de mode traditionnels peinent à mettre à l'honneur des femmes obèses ou en surpoids. Ce sont bien souvent les médias et les marques émergentes qui prennent le relais, sous l'impulsion des nouvelles générations.
Elle, 2017
Il est intéressant de revenir sur le cas des numéros "Spécial rondes" des magazines de mode féminins. Interrogée au micro de Pierre Chevelle, la journaliste et militante Lauren Bastide revient sur les enjeux que ces numéros représentent. Ancienne rédactrice en cheffe du Elle, elle raconte avoir été interpellée par des blogueuses anti-grossophobie, à la veille de la parution d'un énième numéro "Spécial rondes". Ces militantes lui font prendre conscience de l'hypocrisie de la démarche : la taille moyenne des Françaises est plus proche du 42 que du 34 et consentir exceptionnellement à mettre à l'honneur des personnes qui dépassent le 34 n'a rien d'inclusif ou de progressiste. Il s'agirait plutôt de prendre conscience du fait qu'un grand nombre de femmes peinent à trouver des vêtements à leur taille car elles ne sont tout simplement pas considérées par la mode.
Car en plus de ne pas être représentées dans les médias, les femmes en surpoids se retrouvent souvent dans l'impossibilité de trouver des vêtements à leur taille. Et lorsque les marques daignent proposer des tailles plus grandes, il s'agit bien souvent de marques de fast-fashion. Dans certains cas, comme l'explique l'activiste anti-grossophobie Daria Marx, les marques acceptent de proposer des collections grandes tailles mais seulement en ligne. Cela peut être interprété comme une volonté de ne pas montrer ouvertement que la marque vend des vêtements à destination des personnes grosses, car ce ne serait pas vendeur. Il devient alors très compliqué de se vêtir lorsque l'on est en surpoids et lorsque c'est possible, cela nécessite un temps de recherche supplémentaire. Par ailleurs, de nombreux témoignages mettent en lumière la gêne associée à cette recherche de vêtements et le mépris dont sont victimes les personnes en surpoids, de la part de certain.e.s vendeur.euse.s.
[...] dans l'inconscient collectif, un gros est en transition dans un corps de gros. Il cherche forcément à maigrir et sa priorité n'est pas de s'habiller. Donc la mode pour les gros, c'est un non-sujet.
Catherine Lemoine, blogueuse et militante de la Size Acceptance, 2016.
Des coûts de développement plus élevés
Dans la grande majorité des cas, les vêtements ne sont pas pensés pour les personnes grosses. Car contrairement à ce que l'on pourrait croire, lorsque l'on s'éloigne de la taille 42, il ne s'agit pas seulement de "rajouter du tissu", mais bien d'adapter le vêtement aux différentes morphologies. Or les modélistes ne sont souvent pas formé.e.s à la construction de vêtements "grandes tailles". Cela contraint donc les marques à faire appel à des modélistes qui ont cette spécialisation, plus rares et dont les services sont plus coûteux.
L’offre se limite à des produits élargis mais qui ne sont absolument pas adaptés et repensés pour différentes morphologies, et les injonctions restent les mêmes, en proposant continuellement, par exemple, des gaines.
Gabrielle Deydier, autrice et réalisatrice, 2020.
Des enjeux de stockage
L'autre enjeu de la production de tailles plus grandes, renvoie à la problématique du stockage, cruciale pour les entreprises. En effet, le business model actuel d'un grand nombre de marques repose sur le renouvellement constant des références proposées, cela afin de suivre au plus près les tendances du moment. Cela permet de réduire au maximum les stocks, évitant les pertes d'argent mais aussi l'occupation inutile d'espace dans les entrepôts. Comme l'explique Béatrice Tachet, professeure et consultante en marketing, dans un article de Slate, les marques préfèrent créer une collection grande taille, plutôt que proposer un plus grand choix de tailles dans les collections existantes : "[...] cela nécessiterait, pour un même budget, de privilégier la profondeur en tailles, au détriment de la largeur de l'offre, et donc moins de nouvelles références".
De surcroît, l'enjeu pour les plus petites marques est de taille : trop de stocks endormis, c'est trop de trésorerie immobilisée, et c'est un potentiel danger pour l'entreprise.
Tess Holliday au défilé Chromat en 2019 | © Mike Coppola | Getty Images
Euveka : les mannequins connectés
Parmi les solutions pensées pour aider les entreprises à proposer un éventail de tailles plus large, il y a notamment le cas d'Euveka. Euveka propose des solutions robotiques et logicielles innovantes à destination des marques, afin de leur permettre d'adapter leurs créations à toutes les morphologies. Grand vainqueur en 2018 du Andam Fashion Award, dans la catégorie Innovation ou encore du CES Innovation Award dans la catégorie Robotique, Euveka est le résultat de huit années de recherche et développement.
Concrètement, il s'agit d'un mannequin-robot évolutif qui, couplé à un logiciel de data, permet de reproduire une infinité de morphologies. Plusieurs avancées sont ainsi permises. En premier lieu, Euveka permet de réduire les coûts de développement de tailles différentes, évitant le recours à un.e modéliste spécialisée. Par ailleurs, ce type de solution permet d'approcher l'adéquation à 100% entre la demande et la production, évitant les stocks endormis.
Les mannequins connectés Euveka | © Euveka
La précommande
Une autre solution possible pour adapter au mieux l'offre de vêtements est la précommande. Adoptée par un grand nombre de marques telles qu'Atelier Unes, Réuni ou encore Asphalte, la précommande fait aujourd'hui partie du paysage de la mode. Mais en quoi consiste-t-elle ?
Le point de départ de toute précommande est un questionnaire adressé par la marque à ses client.e.s. En principe, on compte un questionnaire pour chaque future pièce proposée. Ces questionnaires jouent un rôle central dans la conception des produits puisqu'ils permettent de définir précisément les attentes des client.e.s. Les résultats sont ensuite analysés par la marque qui les utilise pour concevoir des articles en parfaite adéquation avec les demandes de ses acheteur.euse.s. Une fois les prototypes aboutis, il est possible de précommander les pièces durant une période définie par la marque. Ainsi, une fois la fabrication lancée, la marque peut être sûre qu'elle n'aura pas de stocks inutilisés, puisque seules les pièces commandées au préalable seront produites.
La précommande permet aux client.e.s de faire la demande de tailles spécifiques. Précommander des tailles c'est assurer aux marques qu'elles ne se retrouveront pas avec des stocks sur les bras et qu'il est possible d'élargir leur gamme de tailles sans coûts supplémentaires.
Depuis plusieurs années, l'industrie de la mode est traversée par une vague de résistance aux normes qu'elle produit. Cela s'explique par l'action d'un certain nombre d'activistes qui luttent pour une meilleure représentation de tous les corps dans les médias et dans la mode. Cela s'est notamment traduit par une présence plus importante de mannequins plus size dans les défilés. Outre-Atlantique, Ashley Graham, Jari Jones, ou encore Tess Holliday ont ouvert la voie. En France, Odile Gautreau, Clémentine Desseaux et Shadia Ampadu incarnent l'avenir.
Odile Gautreau au défilé Ester Manas en 2018 | © Etienne Tordoir | Catwalk Pictures
Du côté des marques, des changements se font de plus en plus sentir. Face aux demandes des consommateur.ice.s, certaines d'entre elles proposent désormais un choix de tailles plus important, tandis que d'autres font de l'inclusivité leur crédo.
Les réseaux sociaux - notamment Twitter et Instagram - jouent un rôle central dans cette évolution que connaît la mode. En effet, ils permettent une interaction directe entre les consommateur.ice.s et les marques, réduisant à néant la barrière entre les deux. Ils rendent également possible les réactions quasi-instantanées aux contenus postés par les marques. Celles dont les posts et les démarches ne s'avèreraient pas sincères sont ainsi rapidement épinglées.
Ainsi, le 30 juin dernier, alors que s'achève le défilé Jacquemus Automne 2021, retransmis en live sur Instagram, les réactions ne se font pas attendre. Tandis que la marque se targue d'avoir fait défiler plusieurs mannequins plus size lors du show, d'autres n'hésitent pas à faire entendre leurs voix. C'est le cas de Saveria Mendella, étudiante doctorante à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Autrice d'une thèse portant sur le langage de la mode, et spécialiste des fashion studies, elle rappelle à la marque que seulement trois mannequins plus size sont présentes, parmi l'ensemble des models. "C'est pas mal mais c'est surtout pas assez" écrit-elle "D'autant plus qu'on retrouve Jill Kortleve (LA figure brandie dans tout le secteur pour symboliser le plus size...Taille 40)". Suivie par près de 11 000 personnes, sa story est repartagée plusieurs fois, amenant les admirateur.ice.s de la marque à s'interroger sur la sincérité de la démarche du créateur Simon Porte Jacquemus.
D'autres cas similaires à celui de Jacquemus ont pu être observés. Ils sont le reflet du pouvoir pris par les consommateur.ice.s, qui deviennent de véritables acteur.ice.s, n'hésitant plus à exiger plus de transparence et de sincérité des marques.
⚠️ Précision importante ⚠️
L'objectif de cet article est de visibiliser les discriminations dont sont victimes les personnes qui s'éloignent de la norme relative à la morphologie imposée par le système de la mode. L'idée n'est absolument pas de catégoriser les individus comme étant gros ou grosses parce qu'ils ou elles dépasseraient un certain seuil. D'une part, il s'agit d'analyser les raisons qui conduisent les marques à ne proposer qu'un choix de tailles restreint. D'autre part, il s'agit de rendre visible la difficile évolution du système de la mode qui peine à inclure tous les corps, ce qui rend la recherche de vêtements très difficile pour certaines personnes.
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BASTIDE Lauren, MARX Daria. Episode 34 - Daria Marx. La Poudre. Nouvelles Ecoutes. 12 juillet 2018. 62 min.Vidéos
Soif de Sens. La Grossophobie : Dignité, Sexe et Santé (Daria Marx de Gras Politique).Articles
DAUVERGNE, Delphine. « "J'ai toujours galéré pour les pantalons" : quand la mode reste bloquée sur les normes ». Slate. 5 mars 2021.
PFEIFFER, Alice. « Grossophobie dans la mode : voici pourquoi Gabrielle Deydier en a ras-le-bol ». Les Inrocks. 9 novembre 2020.
Ouvrages
CHOLLET, Mona. Beauté fatale : les nouveaux visages d’une aliénation féminine. Paris : Zones, 2012.
DEYDIER, Gabrielle. On ne naît pas grosse. Paris : La Découverte. 2012.
MARX Daria, PEREZ-BELLO Eva. "Gros" n'est pas un gros mot. Chroniques d'une discrimination ordinaire. Paris : J'ai lu. 2018
Tags : Les enquêtes