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🕓 Temps de lecture : 10 minutes
Ecrit par Sawsane le 19 octobre 2020
Fin septembre, la plateforme ASOS accueillait en grande pompe sa « première collection circulaire ». 29 pièces, alliant prétendument style et durabilité. Et sur la page du site dédiée à la collection, une promesse. Celle d’une révolution de la mode. Révolutionnaire vraiment ?
ASOS n’est pas la première à se lancer dans la commercialisation de collection capsule marketées « green ».
Avant elle, d’autres mastodontes de la fast-fashion ont exploité le filon : H&M, Zara ou encore Uniqlo. Comme l’impression que depuis quelques années, de telles initiatives ont le vent en poupe.
Un peu de peinture, boum c'est tout vert ! | © Getty / Sunny
Un mot nous vient à l’esprit. Le fameux, le grand méchant greenwashing.
Alors oui, le greenwashing n'a rien de nouveau dans la mode, pour autant il est devenu plus insidieux que jamais. Les termes liés à la mode durable deviennent de plus en plus populaires et les marques de fast-fashion ne se privent pas pour les utiliser à tort et à travers.
Peut-on vraiment faire confiance aux marques qui détruisent l’environnement en premier lieu ? Celles responsables des quelques 92 millions de tonnes de déchets produits par l’industrie de la mode chaque année ?
Des marques qui pourraient se constituer en forces de proposition pour l'avenir, mais dont l'engagement n'est encore que trop superficiel.
« L’industrie de la mode ne peut pas continuer à fonctionner comme aujourd’hui : notre planète ne dispose pas des ressources nécessaires ».
C’est ce qu’affirme Giorgina Waltier, responsable du développement durable chez H&M au Royaume-Uni et en Irlande.
Même discours chez Zara qui entend « devenir une force de changement pour l’ensemble du secteur ».
La collection Join Life de Zara qui préconise de faire attention "aux matières, à l'eau et à la planète" | © Chloe Pan's Sustainability World
Et beaucoup de belles promesses :
Des déclarations qui ressemblent davantage à une opé marketing.
En 2011, H&M lance sa gamme « Conscious ». Gamme comprenant aussi bien du tissu issu de bouteilles en PET recyclées, du Tencel, du coton bio ou encore du lin.
La collection Conscious contiendrait selon les dires d'H&M au moins 50% de matières recyclées, biologiques ou durables.
Mais...
Pourtant la marque prétend ne pas être en mesure de réaliser des vêtements contenant plus de 20% de coton recyclé.
Traduction : les pièces contenant 80% de matière polluante et 20% de coton recyclé sont considérées comme « durables ».
Une logique qui interroge.
La page dédiée à la gamme éco-responsable du géant de la mode, énonce également que « beaucoup de produits sont à 100% réalisés dans des matières durables ».
Une explication très brève des produits conscious et pas très convaincante | © Thabitha Whiting
En jetant un œil aux fiches produits, cette déclaration se retrouve pourtant contredite. Rares sont les produits remplissant entièrement le cahier des charges.
Des fiches produits qui ne sont d’ailleurs pas aussi détaillées et transparentes que l’imposerait une véritable démarche éco-responsable.
Lorsqu'une fiche précise un pourcentage de 90% de coton, on ne dit pas quelle est la proportion de coton classique et/ou recyclé/biologique. Si ce n’est une vague mention dans la description.
Mais H&M est loin d’être la seule marque à prendre part à ce jeu de faux semblants.
ASOS que l’on évoquait plus tôt, a elle aussi sorti une collection éco-responsable pas si responsable…
Pourtant sur le papier, des propositions semblent pourtant intéressantes.
ASOS dit avoir eu recours à des matériaux recyclés. La plateforme propose également des pièces à partir d’une seule matière – de quoi rendre le recyclage plus facile à long terme.
Des pièces issues de la collection ASOS Circular | © fashionunited.uk
L’ensemble des stylistes aux commandes du projet ont été formé.e.s aux principes de conception circulaire en vue de minimiser les déchets.
La plateforme a par ailleurs basé les fondements de sa ligne circulaire sur des principes édictés par la fondation Ellen MacArthur qui sont les suivants :
En les prenant pour appui, la marque a ensuite créé huit principes propres à la collection, recouvrant des points tels que le design zéro-déchet, l’apport de recyclé, et la limitation du gaspillage.
« Il ne s’agit pas de cocher quelques cases mais de toutes les cocher »
Problème : pour faire partie de la collection, chaque pièce doit simplement respecter deux des huit principes formulés. Or il faut voir ces bases comme des vases communicants : elles ne fonctionnent pas les unes sans les autres.
Il ne s’agit pas de cocher quelques cases mais de toutes les cocher.
Sans limitation des déchets, pas de conservation des ressources. Et sans conservation des ressources, pas de régénération de systèmes naturels… et ainsi de suite.
Si la collection prétend être circulaire, dans les faits, il n’en est rien.
Malgré la promesse de vêtements fabriqués à partir d’une seule matière, aucun dispositif de recyclage n’est proposé par ASOS.
Le recyclé c'est l'assurance de la circularité… à condition de pouvoir déposer vos vieux vêtements quelque part | © Money Crashers
Or recycler du textile est une tâche complexe : 1% seulement de nos vêtements sont transformés en de nouveaux vêtements. Un vêtement circulaire d’ASOS pourrait alors finir à la décharge ?
Pas très circulaire.
Sans compter que la collection ne représente en réalité que 0,035% des 85 000 produits de la marque. C’est absolument minuscule quand on le compare à l’ampleur de la production d’ASOS.
Trop souvent en matière de mode éco-responsable, on associe diminution de l’impact environnemental avec meilleures conditions de travail pour les ouvrier.e.s.
Or si droits du travail et prise en compte du bien-être de la planète sont essentiels pour garantir la durabilité, ce sont deux problématiques distinctes.
L'écologie oui, mais seulement si elle va de paire avec de meilleures conditions de travail | © Waldemar Brandt / Unsplash
Si on peut se congratuler de voir autant de marques généraliser l’usage de matières éco-responsables et la réduction de matières animales, cela n’est pas suffisant.
D’abord parce que comme tout, produits à l’excès, même les fibres durables sont nocives pour la planète. Aussi parce qu’elles ne garantissent en rien les bonnes conditions de travail des travailleur.se.s.
« A moins qu'une marque ne se décarcasse pour attester des bonnes conditions de travail de ses travailleur.se.s, il est probable que quelqu'un ait été exploité pour fabriquer votre vêtement »
En dépit des codes de conduite et autres promesses formulées par les marques, rien n’est jamais sûr en matière de gestion d’usines. Parce que les marques font majoritairement appel à des sous-traitant.e.s dont ils ne surveillent pas forcément l’activité.
Parce que des marques comme H&M, promettant d’assurer un salaire vital à près de 850 000 travailleur.se.s d’ici 2018, ont finalement failli à leurs engagements. Ainsi H&M établissait plus tard qu’elle mettait en place des « attentes claires en matière de salaires décents ».
L'éthique sur l'étiquette a lancé avec d'autres, #turnaroundhm pour mettre en évidence l'hypocrisie derrière les promesses formulées par H&M | © L'éthique sur l'étiquette
Alors oui, H&M est plus transparente qu’elle ne l’a jamais été, ce qui constitue un bon point de départ – contrairement à des marques comme Topshop ou Urban Outfitters.
Mais la vraie transparence c’est fournir des informations quant à la représentation syndicale des travailleurs, leur salaire, conditions de travails et avantages.
Et à moins qu'une marque ne se décarcasse pour attester des bonnes conditions de travail de ses travailleur.se.s, il est probable que quelqu'un ait été exploité pour fabriquer votre vêtement.
Les grandes entreprises sont de plus en plus nombreuses à tenir des prises de position radicales sans pour autant remettre en cause leurs business modèles sous-jacents.
Selon Venetia La Mana, militante, « la quantité de vêtements produits par H&M cause des dommages irréversibles à la fois à la planète et aux gens, et l'emporte complètement sur leurs efforts de développement durable».
Toujours selon elle, une mode aussi rapide ne sera jamais durable.
Sur le fond, difficile de voir comment concilier réduction de l’empreinte environnementale tout en souhaitant produire toujours davantage de pièces à des prix de moins en moins élevés.
Toujours plus de vêtements pour moins chers... | © Zui Hoang / Unsplash
Et ça va en augmentant : la production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Selon un rapport de la fondation Ellen McArthur datant de 2019, plus de 100 milliards de vêtements seraient produits chaque année.
Un tel rythme est intenable et ce, en dépit de la généralisation des collections capsules.
Par ailleurs, les idées derrière de telles gammes éco-responsables ne sont pas toutes à jeter. Les principes définis par ASOS Circular sont des piliers importants de l'avenir de la mode, à condition qu’ils soient mis œuvre correctement et dans leur intégralité.
L'utilisation de matériaux recyclés est nécessaire compte tenu de la surabondance des textiles déjà disponibles. Là où les mono-matériaux permettrait un recyclage davantage rationalisé.
Tout comme la découpe zéro-déchet quand on considère les chutes de tissus des ateliers.
De l'importance de ne pas polluer dès la conception en ne gaspillant pas de tissus | © Mel Poole / Unsplash
Il s’agit pour les marques d’étendre de tels principes à leur collection régulière et de mettre les moyens pour garantir leur mise en oeuvre – moyens dont les sociétés donneuses d’ordre ne manquent pas.
Face à des marques qui rechignent à produire des vêtements qui soient réellement durables et respectueux des travailleur.se.s, chez WeDressFair nous nous engageons aux côtés de véritables acteurs du changement.
Brisons tout de suite un mythe : les marques parfaitement durables n’existent pas. Produire des vêtements comporte nécessairement un coût environnemental.
Néanmoins, avec une attention portée aux bonnes matières et aux bonnes pratiques, combinée à une juste rémunération, la mode pourra aspirer à être un peu plus propre.
Ca, c'est du dressing éco-responsable ! | © Andrej Lišakov / Unsplash
Chez WeDressFair, nous sélectionnons des marques qui entretiennent un rythme loin des folies de grandeur de la fast fashion : 2 à 4 collections par an au maximum.
Qui contrairement aux grands groupes possèdent un catalogue comportant au moins 70% de matières éco-responsables – et dont la démarche va vers du 100% .
Un vêtement éco-responsable pour nous, est composé au minimum de 90% de matière respectueuse de l’environnement. Pas moins.
Au delà de ça, nos critères de sélection imposent qu’une marque nous prouve sa bonne foi : pas de place pour le greenwashing. Par le biais de labels sérieux tels que :
Les 8 normes du travail, fondements de la Fair Wear Foundation | © Fair Wear Foundation
Certificats, contrats, factures, autant de documents que les marques s’engagent à nous fournir.
Notre mission première, c’est celle de la connaissance. Que vous sachiez ce que vous achetez en bénéficiant du maximum d’informations possibles.
De ce point de vue là, le fait que les marques de fast-fashion s'engage sur le créneau du durable n’est pas une tendance entièrement négative. Il encourage les consommateur.rice.s à se renseigner toujours davantage sur ce qu’ils achètent tout en les sensibilisant aux problématiques sociales et environnementales.
Pour Orsola de Castro, co-fondatrice de la Fashion Revolution « Le véritable antidote au greenwashing est la connaissance - soyez curieux.se, découvrez et faites quelque chose ».
Nos sources :
• H&M accused of greenwashing over plans to make clothes from sustainable fabric (The Independent)Tags : C'est quoi le problème ?, Les enquêtes